A la croisée des sentiers pyrénéens, dans quelque village, en visitant telle église romane, comme partout en France subsiste le souvenir tragique des soldats de la Grande Guerre. Des monuments aux morts ou des plaques rappellent toujours aujourd’hui, à très juste titre, leur existence – et leur sacrifice plus ou moins librement consenti.

8 millions de mobilisés entre 1914 et 1918… Plus de 2 millions d’entre-eux ont péri, plus de 4 millions ont survécu grièvement blessés…

L’idée m’est venue de vous faire connaître quelques soldats natifs de tout petits villages du Luchonnais. J’ai choisi par hasard ces « morts pour la Patrie ». Je parlerai ensuite sur le blog du fameux monument de Campan.

Mais pour mieux situer les choses, rappelons certains aspects de la doctrine ou de l’idéologie militaire française juste avant 1914. Et puis, voici des livres dont la lecture me paraît incontournable.

Conceptions militaires lors de l’entrée en guerre

« Il faut que le fantassin français en arrive à avoir, dans son adresse à manier la baïonnette, une confiance telle qu’il préfère l’emploi de celle-ci à un tir rapide, qui d’ordinaire n’arrive qu’à faire perdre du temps. » (Général Faurie)

« Dans l’offensive, l’imprudence est la meilleure des sûretés. » « Allons jusqu’à l’excès et ce ne sera peut-être pas suffisant. » (Lieutenant-colonel Loyzeau de Grandmaison)

« Le but immédiat du combat, ce n’est pas la victoire, c’est tuer. Et l’on ne marche que pour tuer, et l’on ne saute à la gorge de l’ennemi que pour tuer ; et l’on tue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à tuer. (…) La même passion de haine, ardente et féroce, la même soif de sang, la même volonté d’anéantissement, doit inspirer et animer tous les gestes et tous les actes de la guerre. » (Lieutenant-colonel Montaigne)

« Il faut trouver le moyen de conduire les gens à la mort, sinon, il n’y a plus de guerre possible ; ce moyen, je le connais ; il est dans l’esprit de sacrifice, et non ailleurs. » (Général Cardot)

« Nous ne devons pas oublier que notre mission est de tuer, en nous faisant tuer. (…) Il faut donc savoir tuer, tout en étant prêt à périr soi-même. » (Général russe M.I. Dragomirov, un maître à penser du général Cardot)

Des livres à lire

Bien sûr, il y a tous les récits de guerre de Maurice Genevoix.

« Pitié pour nos soldats qui sont morts ! Pitié pour nous vivants qui étions auprès d’eux, pour nous qui nous battrons demain, nous qui mourrons, nous qui souffrirons dans nos chairs mutilées ! Pitié pour nous, forçats de guerre qui n’avions pas voulu cela, pour nous tous qui étions des hommes, et qui désespérons de jamais le redevenir. » (Maurice Genevoix, La Boue)

L’écrivain et philologue Claude Duneton nous a légué Le Monument (Balland, 2004). Je vous recommande absolument ce roman vrai. Dans un passage au début du livre, l’auteur évoque ainsi son père, un ancien poilu :

«…Car pendant toutes ces saisons mortelles sur le front, il n’avait pas cru lui, personnellement, à la gloire patriotique. Pas une seconde, m’expliquait-il – pas même à la « France éternelle »… Au fond, il s’en tapait très vilainement de la Patrie et tout ça. L’Alsace et la Lorraine… elles étaient très bien en Allemagne, à son avis. Il aurait volontiers accepté de devenir allemand lui-même si au moins ça pouvait arrêter cette épouvantable danse  macabre ! Uniquement préoccupé de sauver sa peau, chaque jour et chaque nuit que le Diable mitonnait pour eux, les griftons. Il aurait déserté avec joie si cet enfer avait été désertable – mais va te faire foutre ! Les pelotons d’exécution, en cas de tentative, étaient encore moins évitables que les éclats d’obus boches. »

Paroles de Poilus (Librio, Radio France, 1998, prix : 3 euros seulement), présente une centaine de lettres et carnets du front. On devine l’intérêt exceptionnel de tels documents.

A Paris, le 14 juillet 1917. (Photo de Léon Gimpel)