Dans cet article et le suivant, à l’aide de textes, j’ai voulu évoquer quelques aspects parmi beaucoup d’autres de la guerre de position, de l’enfer des tranchées.

Des photos relatives aux soldats d’Astet (petite commune de la montagne ardéchoise dont je parle sur le blog – Astet est devenue une commune distincte de Mayres par la loi du 12 juillet 1907)) illustrent ces deux articles.

« Dans cet enfer-là, ce ne sont plus des hommes qui se déplacent et qu’on tue : ce sont des blocs de boue. Une boue tenace qui les couvre jusqu’aux cheveux, sur les casques, jusqu’aux mains qui ne peuvent plus rien tenir qu’un fusil boueux, tant elles sont grasses – de la boue jusqu’aux yeux qu’ils ne peuvent pas se frotter avec leurs doigts pleins de cette merde. Ni se rouler une cigarette sans que le papier soit collant de boue – ni se moucher avec le pouce sans que le nez garde une empreinte noire… Quand les corvées leur apportent à manger, hasardeusement, comme à des bêtes parquées et affamées, la soupe contient de la boue, les boules de pain sont tachées de boue, et chaque bouchée en prend des traces : ils mangent de la boue. Un chroniqueur écrivait : « La boue est vilaine ; elle a la couleur, l’odeur, et la laideur du Boche. » Même les éclats d’obus qui pénétraient la chair étaient maculés de boue !

Enfin, lorsque ces blocs boueux avancent vers les lignes ennemies, ils voient ceci, noté par un capitaine anglais au nord de la Somme – mais parfaitement transposable au sud : « Boue liquide, épaisse et noire, trous d’obus pleins d’eau, corps disséminés à tous les stades de décomposition, certains dépourvus de chair, certains gonflés et noirs, certains récents, couchés comme s’ils dormaient. Nos tranchées ne sont rien moins que des trous d’obus jointifs avec 30 centimètres d’eau sur 30 centimètres de boue. » Du reste les bandes molletières n’étaient que des bottes de boue que les gars raclaient au couteau de temps en temps pour s’alléger – dans certaines unités les soldats avaient coupé leur capote au-dessus de la taille parce que, pleines de boue, elles étaient trop lourdes à porter et entravaient la marche. » (Claude Duneton, Le Monument)

Cités ici par Yves Le Maner, sur un site très intéressant :

« Ce champ de bataille labouré était horrible. Les défenseurs morts gisaient parmi les vivants… Nous nous aperçûmes qu’ils étaient entassés par couches les uns au-dessus des autres. Les compagnies qui avaient tenu bon sous le pilonnage avaient été fauchées l’une après l’autre, puis les cadavres avaient été ensevelis par les masses de terre que faisaient jaillir les obus, et la relève avait pris la place des morts. » (Ernst Jünger, Orages d’acier)

« C’est de la boue et du cadavre. Oui, du cadavre. Les vieux morts des combats de l’automne, qu’on avait enterrés sommairement dans le parapet, réapparaissent par morceaux dans l’éboulement des terres. » (carnets du « poilu » Paul Tuffrau).

(04/06/2012) Monument aux morts d’Astet, inauguré le 1er mars 1925.
(04/06/2012) Un visage christique est représenté au centre de la croix de guerre.
(02/08/2012) Les noms des soldats.
(02/08/2012) Les noms des soldats (suite).
Tué à Chevillecourt lors de la 1ère bataille de l’Aisne. A quelques jours de ses 21ans.
Joseph serait-il sur cette photo ?

 

Carte postale allemande : « Souvenir de Chevillecourt »
23 ans. Louis Modeste Josué Moulin, né à la Chavade, fils de Clovis Moulin et de Rosalie Fargier. Son frère Cyprien Félix, né à Mazan, sera porté disparu au combat le 15 septembre 1918 à Laffaux, âgé de 32 ans.
François n’aura guère eu de chance dans sa vie. Pupille de l’Assistance publique – placé, j’imagine, dans une famille d’accueil à Astet. Il est tué à l’âge de 21 ans.
La plaque collective en marbre à l’intérieur de l’église.
(04/06/2012) Ce panneau se trouve en dessous d’elle.
(19/06/2012) Mort des suites de ses blessures de guerre. Bien jeune, lui aussi.
(11/06/2012) Ferdinand, décédé de maladie dans le camp de prisonniers de Würzburg (le 9 novembre 1918, d’après sa fiche « Mort pour la France »). Fils de Jean Ruben Ollier et de Marie Chaudanson. Né à Sédassier, comme ses soeurs Maria et Thérèse.
(31/07/2012) A péri au cours des violents combats de Vitrimont, en Lorraine.