De même que sa mère Hérodiade, son beau-père Hérode, ou Jean le Baptiste, Salomé est un personnage historique.

Flavius Josèphe nous en parle brièvement (Antiquités judaïques, XVIII, 5, 4).

Très jeune en tout cas, peut-être encore fillette, Salomé a épousé Philippe le Tétrarque. Une union de courte durée, Philippe décédant en 34. La fille d’Hérodiade épouse alors Aristobule, avec qui elle aura trois fils : Hérode, Agrippa et Aristobule.

En 55, l’empereur Néron octroie au mari de Salomé le royaume de Chalcis et le royaume d’Arménie Mineure. Salomé devient ainsi reine de Chalcis et de Petite-Arménie. Elle réside à Nicopolis, dans la région du Pont, au nord-est de la Turquie actuelle.

Une célèbre pièce de monnaie frappée en 56-57 représente le portrait de la reine – qui dans son enfance ou sa jeunesse, aux alentours de l’an 30, aurait dansé devant Hérode Antipas et réclamé, à l’instigation d’Hérodiade, la tête de saint Jean-Baptiste servie sur un plateau…

On ne connaît pas avec certitude la date de la mort de Salomé (vers 72 ?).

Une tradition orale locale (reprise notamment par Jean Cazalbou dans son beau livre La Tête de Salomé ou la tragédie commingeoise, Editions Loubatières, 1990) fait trépasser la Danseuse lubrique au lac de Barbazan, tout proche de Lugdunum/Saint-Bertrand-de-Comminges. Mais Salomé n’a pas suivi ses parents exilés en 39 par l’empereur Caligula, elle n’est jamais venue dans les Pyrénées !

Selon la légende, Salomé dansait un jour d’hiver sur la surface gelée du lac de Barbazan. C’est alors que la glace brusquement se rompit sous ses pieds. Salomé s’enfonça dans l’eau jusqu’au cou. Puis la glace se referma, tranchant sa tête, qui apparut, effroyable et macabre, telle le chef de Jean-Baptiste sur le plat d’argent.

Ce récit imaginaire de châtiment divin, avec application de la loi du talion, s’inspire sans nul doute de textes anciens (Salomé équivalant à la fille d’Hérode, d’Hérodiade, pouvant être appelée Hérodiade ou Hérodias comme sa mère).

Ainsi, déjà, Augustin d’Hippone – saint Augustin – (354-430), après avoir fait une description particulièrement édifiante du festin d’Hérode et de la danse voluptueuse, rapporte que Salomé a eu la tête coupée par la glace et qu’Hérodiade est morte aveugle (Quinzième et Seizième Sermons. Pour la Décollation de saint Jean-Baptiste. I et II).

La Lettre d’Hérode à Pilate, apocryphe du Ve au VIIe siècle, est une correspondance non authentique émanant d’un auteur inconnu. Censée être adressée par le tétrarque Hérode Antipas à Ponce Pilate encore gouverneur, elle relate des évènements qui se seraient produits entre la Passion du Christ et le départ ultime de Pilate pour Rome fin 36 ou début 37, c’est-à-dire de toute façon avant l’exil d’Hérode et Hérodiade en Gaule/Hispanie. J’ai mis en lien le manuscrit du British Museum traduit en anglais. Le mot « playing » laisse entendre que Salomé est encore une enfant. Outre ce grand malheur, Hérode est atteint d’hydropisie, son fils Azbonius agonise et la cécité a frappé Hérodiade. Dans une version en français un peu différente (celle tirée du manuscrit de Paris, je pense), Hérodiade assiste à la scène sur le plan d’eau (un étang ?) recouvert de glace, et cherche vainement à sauver sa fille, dont la tête se détache et reste entre ses mains.

Très lue au Moyen Age, la Légende dorée, écrite à la fin du 13e siècle par Jacques de Voragine, confirme que Salomé mourut « sur une pièce d’eau gelée dont la glace se brisa sous ses pieds ».

D’autres sources sont encore parfois citées, mentionnant avec quelques variantes la même fin de la Danseuse : Sérapion (patriarche d’Antioche de 191 à 211), Syméon Métaphraste (Xe siècle), Nicéphore Calliste Xanthopoulos (XIIIe-XIVe siècle).

Beaucoup plus près de nous, des écrivains font périr Salomé sur un fleuve gelé : le Rhône chez Charles Buet (Contes à l’eau de rose, 1879), le Danube pour Guillaume Apollinaire (La Danseuse, in L’Hérésiarque et Cie, 1910).

portrait-par-helen-twena-d-apres-piece-de-monnaie-derniere-danse-salome
La reine Salomé historique, âgée d’une quarantaine d’années (portrait réalisé par Helen Twena, d’après une effigie sur une pièce de monnaie).
lac-barbazan-derniere-danse-salome
Le lac de Barbazan en 2012 au mois de mars. (Photo : Michel Bessone)
salome-paul-de-la-boulaye-derniere-danse-salome
Salomé, Paul de La Boulaye (1849-1926).
danse-salome-ou-papillons-d-or-derniere-danse-salome
La Danse de Salomé ou Les Papillons d’or, Gaston Bussière (1862-1928).
danse-alome-gozzoli-derniere-danse-salome
La Danse de Salomé, Benozzo Gozzoli, 1461-62.
danse-salome-saint-martin-canigou-derniere-danse-salome
« La danse de Salomé », chapiteau roman, abbaye Saint-Martin du Canigou.
salome-au-jardin-moreau-derniere-danse-salome
Salomé au jardin, Gustave Moreau, 1878-1885.
salome-von-stuck-derniere-danse-salome
Salomé, Franz von Stuck, 1906.