Le thème de cet article en 2 parties est un franchissement clandestin des Pyrénées, durant la Seconde Guerre mondiale, qui a échoué dans des circonstances dramatiques.

Bien plus qu’un simple fait divers, il s’agit d’une histoire exemplaire, révélatrice de la période.

Je tiens mes informations d’un témoin, Paul Lassalle, âgé aujourd’hui de 84 ans. Paul est un ami, natif du village d’Oô, longtemps chasseur d’isards, ancien guide de montagne et moniteur de ski. J’ai travaillé de nombreuses saisons avec lui, au centre de randonnées UCPA de Saint-Lary-Soulan.

Je me réfère aussi à deux ouvrages : Pyrénées de la liberté, les évasions par l’Espagne 1939-1945, Privat, 1998, d’Emilienne Eychenne, la grande spécialiste du sujet, et Le Pêcheur de sable, récit : Le Drame des Spijeoles, Privat, 1977, de l’écrivain Jean Cazalbou.

D’une manière générale, ces différentes sources se complètent, même si elles sont contradictoires sur quelques points, la chronologie en particulier.

Enfin, au village d’Oô, j’ai été aidé dans mes recherches – fort utilement et avec beaucoup de gentillesse – par M. Rives, le maire, et Mme Parodi, la secrétaire de mairie.

L’échec d’un passage par le port d’Oô

Francesco Bonfiglio Stella était né le 12 décembre 1906 en Italie, à Velo d’Astico, commune de Vénétie situé sur les premiers contreforts des Alpes.

D’après son acte de décès, il résidait en France, à Grasse, sans que l’on sache depuis quand ni pour quelles raisons. Francesco Stella était abbé.

A la fin du mois d’octobre 1943, il a tenté avec d’autres, d’atteindre l’Espagne par les Pyrénées centrales. Jean Cazalbou écrit que le prêtre fuyait l’Italie fasciste.

Stella faisait partie d’un groupe très nombreux d’une quarantaine de personnes plus ou moins jeunes.

Il n’y avait pas de passeur local pour les guider. Jean Sans, le passeur habituel de Gouaux-de-Larboust, arrêté en septembre, se trouvait en Espagne, après avoir réussi à s’échapper menotté de la « villa des tortures » à Bagnères-de-Luchon (la villa Raphaël, siège de la Sicherheitspolizei).

L’objectif était le port d’Oô, à près de 3000 m d’altitude, environné de glaciers et de pics.

Afin d’éviter les patrouilles allemandes, la caravane emprunta un itinéraire difficile (Gouaux-Espingo probablement par la Coume de Sadagouaus et le Troucet de Courts), rendu d’autant plus complexe et pénible que la neige se mit à tomber en abondance et que l’on ne voyait plus rien en montant vers le lac Glacé.

Dans les parages des Spijeoles, face à une tempête épouvantable, le groupe dut décrocher. Le repli dans la vallée fut une véritable épreuve, certains souffrant de gelures ou de contusions à cause des chutes.

Cependant, terrassé par la fatigue et le froid, Francesco Stella était resté là-haut.

(24/05/2011) Acte de décès de l’abbé Stella.
(28/07/2009) Paul Lassalle, lors d’un entretien à Espoujau.